Pari tenu !

Il faisait chaud et sec. Une journée parfaite pour un début de mois de juin et qui était accueilli avec joie par la population poudlardienne après les six jours de pluie qui venaient de s’abattrent sur le château. La grande majorité des élèves qui n’avaient pas cours passait donc son temps libre dans le parc et Régibald ne fit pas acception à la règle. Dès la fin de son cours de potions, il sortit au grand air avec Oliver East, son binôme. Les deux garçons devaient plancher sur le devoir que venait de leur donner le professeur de potions, à remettre pour le prochain cours et, tant qu’à se faire suer, ils s’étaient mis d’accord pour profiter de l’ensoleillement du parc.

Oliver était l’un des rares étudiants avec qui Régibald s’entendait plutôt bien. Malgré qu’il soit beaucoup plus amène que lui (ce qui n’était quand même pas très dur), le jeune East possédait l’incroyable qualité de ne jamais s’imposer. Il savait être là sans être étouffant, un trait de caractère grandement apprécié de Régibald. Évidemment, les deux serpentards ne partageaient pas grand chose d’autre que leur dortoir et quelques brèves discussions, mais le rejeton Camlann était quand même sacrément content qu’il y ait au moins un garçon de son année qui ne soit pas un abruti fini. Malheureusement, le côté sociable d’Oliver avait de gros défaut. Il avait tellement de connaissances qu’il y avait toujours quelqu’un pour venir lui parler. En cet instant, ce quelqu’un s’appelait Daniel Tesh. C’était un grand maigre à lunette que Régibald avait du mal à encadrer même quand il dormait. C’est que Tesh avait la très désagréable habitude de parler du nez... Et donc, naturellement, il ronflait ! Il ne devait sa survie qu’à la bienveillance d’Oliver, qui avait fini par insonoriser le lit du jeune Tesh en voyant que Régibald était sur le point de faire un meurtre (littéralement d’ailleurs).

Bref, Régibald, Oliver et Tesh-le-pot-de-colle finirent par se poser à une vingtaine de mètres en bordure de la forêt interdite, sur un coin de pelouse bien sec, et étendirent leurs choses à même l’herbe. Tesh-la-troisième-roue-du-carosse avait décidé de travailler avec eux. Il faisait toujours les devoirs de potions seul, considérant que la gryffondor avec qui il s’était retrouvé en duo était... et bien, une gryffondor ! C’était bien la seule qualité du jeune serpentard que de ne pas se mêler aux autres maisons de Poudlard. Ça et son sang pur.

"J’veux bien croire le brof quand il raconte qu’on beut remblacer la bile de renard bar de la sève de charon, mais faudrait être idiot." , disait justement le binoclard tandis que Régibald cherchait la page nécessaire au devoir dans son livre.

"C’est quand même beaucoup plus facile d’extraire de la sève d’une plante que de faire pisser un renard." , rétorqua distraitement Oliver, penché sur un parchemin.

"Sauf que les charons, c’est beaucoup blus dur à trouver."

"Pas nécessairement. Il doit y en avoir plein dans la forêt interdite."

"Ouais, mais faut être fou ou suicidaire bour aller dans la forêt interdite..."

« Moi j’irais. » , coupa Régibald, jusque la silencieux, avec un haussement d’épaule. Après tout, il n’avait jamais entendu parler de quelqu’un qui soit mort en allant là-bas. Les avertissements des enseignants ne devaient être qu’un truc pour effrayer les types crédules comme Tesh...

"Pas besoin, tout le monde sait déjà que t’es fou, Camlann !"

Cette dernière réplique de Tesh, qui aurait pu lui valoir une visite à l’infirmerie, fut bien prise par Régibald qui répondit d’un bref éclat de rire. Ouais, okay, pourquoi pas !

« Ou alors c’est toi qui est un naïf, sage et trouillard petit élève. » , objecta-t-il tout de même.

"Deux Gallions que tu y restes bas blus de dix minutes !" , paria immédiatement Tesh-le-trouillard, visiblement piqué dans son orgueil.

« Double la mise et je te rapportes même une tige de charon ! Comme ça, tu pourras tester les dires du prof. »

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C’était comme ça que ça avait commencé. Comme ça que Régibald se retrouva perdu dans la forêt interdite... Convaincu de se faire de l’argent facile, il avait fermé son grimoire, amusé par le soupir d’Oliver (« Merci Tesh. Maintenant, j’vais devoir faire le devoir tout seul... »), et s’était enfoncé dans les bois sans un regard en arrière. Et là, ça faisait une bonne demi-heure qu’il tournait en rond. Il avait quand même eu la confirmation que les dangers de la forêt interdite étaient grandement exagérés. Tout ce qu’il avait aperçu d’un peu menaçant jusque là, c’était un écureuil en colère et le manque de points de repère... Quand même, il avait hâte d’en sortir. Il s’emmerdait là.

Comme pour le soulager de sa dernière plainte, un bruit lourd se fit entendre, signe que quelque chose de plus gros qu’un écureuil approchait. Sortant sa baguette magique au cas où, le deuxième année se tourna en direction du bruit, à l’affût.

[J'attends personne en particulier... Et, non, je ne ferai pas toujours aussi long. C'est juste ma mise en contexte qui prend de la place...]

Il faisait chaud et sec. Une journée horrible, quoi. Saleté de mois de juin, saleté d'été, on devrait rester au printemps toute l'année, et tant pis pour les allergiques au polen, voilà. Mais comme souvent, le monde ne semblait pas manifester de véléités de se conformer aux désirs de Kanha O'Flaherty, aussi celle-ci devait-elle se contenter, à défaut de faire dévier la Terre de son axe de rotation autour du Soleil, de relever ses cheveux en une petite queue de cheval et de s'arranger pour avoir le minimum de vêtement sur elle tout en restant présentable. En bref, elle n'avait pu retirer que sa veste, et s'était mise toute la journée le plus à l'ombre possible, où elle s'était sentie à peu près bien. Et puis vint le moment où elle décida de passer par sa salle commune déposer son sac, puisque les cours étant finis il ne lui était plus que d'une utilité tout à fait relative - inutile, quoi, hein.

A peine posait-elle le pied hors du dortoir des filles ( oui, parce qu'elle était passée par son dortoir, évidemment ) qu'une fille lui sautait dessus en lui expliquant en cachant bien mal un sourire béat qu'untel lui donnait rendez-vous dans la Forêt Interdite, maintenant. Comment ça, on ne comprend rien avec cette sale tournure de phrase ? Okay, refaisons-la plus simplement, pour les gens un peu limités intellectuellement. La fille avait dit, en gros

Inutile de préciser que Kanha n'était pas IDIOTE au point de ne pas reconnaître là une 'plaisanterie' des plus stupides et des plus déplaisantes, mais elle se dit aussi qu'après tout, elle n'avait aucun intérêt à démontrer à cette foutue dinde-là qu'elle avait un cerveau, et que certainement, lui laisser croire qu'elle était débile profonde ne pourrait pas lui faire de mal. Peut-être. Quoi qu'il en soit, elle adopta le visage ravi de la parfaite imbécile qui gobe tout ce qu'on lui dit et, après les paroles d'usage (

) elle était redescendue dans le Parc dans la ferme intention de se rendre effectivement dans la forêt interdite, histoire que l'autre tâcheron pense qu'elle avait réussi sa géniale blaguounette.

Elle s'aperçut en y pénétrant que cet endroit de sinistre réputation offrait au moins l'avantage d'être bien ombragé - ça semble logique, vu qu'une forêt par définition c'est des arbres - ce qui lui sembla être une bonne qualité. Bon, et maintenant qu'elle y était, elle faisait quoi ? Elle ressortait direct parce que c'était parfaitement inutile de rester là, ou alors elle s'enfonçait un peu plus, ce qui était tout aussi inutile, mais bon. Il ne faut pas s'arrêter à ce genres de menus détails de menues contradictions, ça c'est vraiment typique de ces gens qui feraient n'importe quoi pour être contrariant ! A propos de contrariété et d egens chiants ... La fille, là, c'était une ... deuxième année, sans doute, oui. Elle ne la conaissait pas, ou alors c'était ... Ah oui, c'était celle à qui elle avait conseiller de descendre un peu plus bas son décolleté au cas où on n'en verrait pas déjà assez. Bon, ben voilà que le mystère était résolu. Ah là là, monsieur Jean Valjean, quel grand malheur que de ne pas faire l'unanimité ! Je de ah ah ah.

Plongée dans ces méditations, elle manqua tomber. Mais elle se rattrappa, hein, faudrait veiller à pas être trop pitoyable non plus. Un bruit lourd, c'était quand même un peu méchant, elle n'était pas bien grosse ... Quoi qu'il en soit, elle fut bien étonnée / surprise / déconfite / horrifiée / ennuyée de découvrir qu'un autre abruti se trouvait dans la Forêt, endroit habituellement plutôt désert et peu indiqué pour rencontrer du monde, et que cet abruti, c'était Régibald Camlann. Qu'est-ce qu'elle avait fait mériter ça ? Elle retirer le juron sur les bourse des Merlin, si c'était ça ... Camlann, qui avait sorti sa baguette magique et semblait en position de vigilance agressive. Hum. Si elle se montrait, il allait sans doute lui balancer un sort à la gueule - peut-être sans même prendre la peine de faire mine de ne pas l'avoir reconnue. Ah ça, oui, il en était très certainement capable. Mais bon, elle était d'humeur téméraire aujourd'hui, et donc elle s'avança calmement et poussa l'imprudence à saluer le deuxième année - dire bonjour à cet espèce de -- tututut, pas de grossièretés ! à Régibald Camlann, donc, enfin je vous demande un peu ...

« Salut, tu fais du camping ? »

Ca c'était dit ; et si elle trépassait ici, il faudrait que quelqu'un écrive sur sa tombe qu'elle était morte en héros.

Aujourd’hui rien ne pouvait entamer le moral d’acier de Sabé Rosebury. Rien, pas même la chaleur sèche de la journée, pas même les élèves réjouis de ne plus avoir cours, pas même sa sœur qui l’avait bassinée toute la matinée avec une histoire à dormir debout, pas même la remarque du professeur de potions qui n’aimait pas qu’elle vienne contester ses méthodes de cours alors que ceux-ci étaient terminés. Rien, car actuellement, Sabé était en révisions. Les examens de fin d’année étaient très proches et depuis un mois elle apprenait par cœur tous ses cours. Cette période engrangeait en elle une satisfaction telle que rien ne l’atteignait en cette journée de juin. Elle avait presque un sourire permanent. Et c’est forte de cette plénitude qu’elle avait décidé de faire quelque chose qu’elle s’était toujours refusée. Une escapade dans la Forêt Interdite. D’ordinaire, l’idée de contrer les lois et les règles lui donnait de l’urticaire, mais quand elle voulait quelque chose, il était dur de l’en dissuader, même s’il fallait pour cela qu’elle prenne son mal en patience. De plus, avec ses 14 ans et sa future entrée en quatrième année, ses hormones adolescentes devaient la pousser à la transgression. Et puis elle n’y allait pas pour jouer au héros comme les quelques idiots qui en parlaient. Elle y allait pour cueillir des ingrédients nécessaires à une potion de quatrième année. Le professeur avait refusé de la lui montrer en cours supplémentaire et cela l’avait frustrée. On ne pouvait pas la priver de connaissance. Elle voulait faire cette potion, pour tester son niveau et se conforter encore dans son talent pour cette discipline. Et son oncle Balthazar serait si fier quand elle lui dira quelle potion elle a réussi à faire ! C’est donc d’un pas décidé que Sabé était rentrée dans la Forêt. Elle avait son uniforme d’été sur elle, ainsi que sa besace. Baguette à la main, par prudence, elle veillait à suivre la lisière pour ne pas se perdre bêtement. La légende de cette forêt ne lui faisait pas vraiment peur. Elle ne s’y risquerait pas profondément, mais en lisière elle ne voyait pas ce qui pourrait lui arriver. Une créature maléfique serait bien idiote d’attaquer si près de l’orée, en plein jour. Et après tout, elle était une sorcière, une Serpentard, elle n’avait jamais peur. Gonflée d’une satisfaisante fierté, elle marchait avec précaution, son regard au niveau du sol pour chercher les champignons qu’il lui fallait. Quant au risque de sanction, elle se faisait assez confiance pour y échapper. Rester en lisière facilitait l'excuse de "j'ai vu des champignons juste à l'orée et je n'ai pas pu résister à les cueillir". Un bruit sur la gauche, du côté de la forêt, retint son attention. Elle se redressa, pivotant à demi, muette, tendue un minimum, aux aguets.

« Salut, tu fais du camping ? » dit quelqu’un un peu plus loin, derrière des fourrés.

Sabé reconnut la voix de Kanha O’Flaherty. Cela la rassura d’abord, puisqu’elle la connaissait, mais elle se sentit rapidement mal à l’aise. Elle n’avait pas revu la jeune fille depuis cette drôle de discussion avec Kalinah Horuni. Et puis, puisque Kanha ne s’adressait pas à elle, à qui pouvait-elle parler ? C’était l’heure de pointe en forêt ou quoi ? Cette situation imprévue fit froncer le nez de la Rosebury. Elle n’avait pas envie de croiser du monde, après tout il était interdit de se trouver ici, et qui était l’inconnu ? Maintenant, si Sabé avait entendu les deux autres, c’est qu’ils pouvaient l’entendre aussi. Elle s’était immobilisée, mais le moindre pas pourrait la trahir… Fuir ou se montrer ? Elle ne voulait pas repartir sans ses champignons. Un sentiment de curiosité pointa le bout de son nez, que la jeune fille préféra prendre pour de la prudence : il valait mieux savoir si sa présence auprès des deux autres était souhaitable, avant de décider de quoi faire. Un peu agacée par cet élan de voyeurisme qui lui faisait trop penser à sa jumelle, elle prit soin de se baisser très doucement. Accroupie, le bout des mains au sol, elle entreprit de se glisser lentement, à pas de loups, près des fourrés, pour voir et entendre mieux. Elle put confirmer que Kanha était bien là, elle reconnaissait le peu qu’elle voyait d’elle, à travers les buissons. Par contre elle ne voyait absolument pas la troisième personne. Concentrée, elle s’immobilisa, attendant une éventuelle conversation.

De tous les habitants de Poudlard (plus de deux cents, quand même !), il avait fallu que la personne qui choisisse de venir se balader dans la forêt interdite en même temps que lui ne soit nulle autre que Kanha O’Flaherty... Et de toute la grandeur des bois (sûrement plusieurs hectares), elle avait trouvé le moyen de tomber sur lui ! C’était à se demander si quelqu’un ne s’était pas arrangé pour que ça arrive histoire de le faire ch***. En plus, vu comment elle l’aborda, elle ne semblait ni surprise ni mécontente de le croiser en plein milieu d’un endroit où, normalement, on est pas supposé croiser quelqu’un qu’on connaît (ni même quelqu’un tout court). C’était la forêt interdite, par Merlin, pas l’une des serres du cours de botanique ! Du camping... n’importe quoi...

« Non. » , répondit Régibald de but en blanc. Parce que, franchement, que pouvait-on répondre d’autre face à pareille niaiserie ?

Il se détendit légèrement. C’est à dire qu’il se redressa et abaissa sa baguette magique. Il ne la rangea toutefois pas parce que, tout de même, c’était une serpentard, la maison dont les membres étaient reconnu pour leur fourberie. Rien ne lui prouvait qu’elle n’allait pas lui faire un coup de cochon dès qu’il aurait le dos tourné. Si les rôles avaient été inversés, lui l’aurait fait... Du coup, il lui faisait autant confiance qu’à un commerçant de l’allée des embrumes.

« Quoique, maintenant que tu le proposes, je pourrais toujours t’ouvrir en deux, t’extirper les boyaux et me servir de ta peau pour faire une tente. » , ajouta-t-il, pince-sans-rire, peu après. Quitte à être dans les vannes stupides...

En même temps, il n’avait aucune envie de faire la conversation avec cette... fille. Ce n’était pas parce qu’ils avaient chassé la sang-de-bourbe ensemble que cela faisait d’eux autre chose que deux étudiants de la même école. Il ne connaissait rien d’autre de cette serpentard que son nom et son année (et son pathétique manque de cruauté en matière de torture de sang impur) et n’avait pas envie d’en apprendre davantage non plus. C’était une fille, ça en disait déjà long. Comme toutes les représentantes de son sexe, elle devait se cantonner à parler garçons, coiffures et potins. Bref, que des inepties.

Puisqu’il considérait maintenant en avoir fini avec la quatrième année, le jeune Camlann décida de reprendre ses activités sans plus s’en préoccuper. Il s’assura quand même de la garder dans son champ de vision (pour les mêmes raisons qui l’avaient poussé à conserver sa baguette magique en main) tandis qu’il reprenait sa route, un peu (beaucoup) au hasard. C’est ainsi que, en traversant un agrégat de plantes touffues qui lui arrivaient bien à mi-cuisses, il eut la surprise de déboucher à quelques mètres d’une autre fille, accroupie derrière des buissons. Abasourdi, il eut un bref temps d’arrêt avant de brusquement lever sa baguette pour la pointer sur l’inconnue. Là, il ne trouvait plus ça drôle !

« Toi ! Qui t’es et qu’est-ce que tu fous là ? » , aboya-t-il et, sans même attendre de réponse, il se tourna vers Kanha pour lui demander, sur le même ton (peut-être un peu plus accusateur, quand même) :

« Elle est avec toi, O’Flaherty ? »

Regibald était charmant, Regibald était aodrable, Regibald était vraiment sympathique, ah que oui elle l'aimait vraiment beaucoup, il lui semblait d'ailleurs couler de source et être d'une clarté limpide ( et tout et tout ) qu'ils étaient faits pour s'entendre. Pareille évidence l'éblouissait. Cette rencontre dans les bois seraient certainement l'occasion idéale pour eux de poser les bases d'une grande et belle amitié ! Mais si, bien sûr ... Bon. Il ne faisait donc pas de camping, ah bon, zut, c'est vrai quand on pose une super question comme ça, on ne s'attend jamais à obtenir une réponse négative, non, jamais ... Passons. En tout cas, Regibald était sans doute le seul à proposer comme ça de lui ouvrir le ventre afin de faire de sa dépouille une tente. Intéressante idée. Mais quel espèce de petit -- tut tut tut.

Régibald semblait penser que cette intéressante proposition constituait à la fois le début et la fin de leur conversation. Bon. Elle n'en attendait pas beaucoup plus de sa part, mais quand même ... Aussi, quand il reprit son chemin, ayant toujours l'air d'avoir des problèmes d'orientation, elle le suivit de loin. Savait-on jamais. Oui c'était inutile, certainement, elle assumait. De toute manière, Regibald n'alla pas bien loin, car il eut la surprise de découvrir ... Sabé Rosebury ? Cachée derrière un buisson ? Sabe Rosebury ? Mais quelle absurdité ! En plus, la forêt interdite semblait tout à fait surpeuplée aujourd'hui ... Tout ceci était vachement invraisemblable. Mais elle n'avait pas (maintenant ) le loisir de réfléchir au manque de vraisemblance de la vie, car son meilleur ami aka Camlann perdit tout à coup sa bonne humeur. Puisqu'il ne laissait pas le temps à Sabé de décliner son identité, préférant l'agresser immédiatement - comme si elle avait que ça à faire d'ourdir un complot contre lui avec la demoiselle ROsebury, hein - elle se demanda si elle devait la lui présenter ... Mieux valait d'abord lui assurer qu'elle n'avait rien comploté.

« Non.

Vite, qu'elle dise autre chose, elle ne pouvait pas non plus dire "non" sèchement comme ça, impossible, rigoureusement impossible !

Elle s'appelle Sabé Rosebury, au passage, je t'informe. Ca va ?

continua-t-elle cette fois à l'adresse de la jeune fille qui se relevait.

Toi aussi tu campes ici ? Voici Regibald Camlann. Excessivement charmant. Il y a foule cet après-midi dans cette forêt ! »

Après cette brillante conclusion d'une effarante banalité, elle afficha un sourire vague, un peu ... inquiète, à propos de Camlann l'homme des cavernes, qui n'avait sans doute rien apprécié de ce qu'elle avait honorablement bavé. Too bad. Elle aimait bien Sabé, un peu. Elles n'avaient rien à voir l'une avec l'autre, ou si peu, mais c'était peut-être pour ça. Evidemment, l'épisode Kalinah n'était pas encadré dans son journal en rose avec des coeurs autour, elle ne tenait pas de journal intime, d'ailleurs, mais elle l'aimait bien. Enfin elle croyait. Si elle ne confondait pas avec quelqu'un d'autre. Mais non, voyons. Elle ne confondait pas les gens. Oh, tiens, une feuille morte qui tombe ...

Planquée derrière le buisson, presque enfouie dedans, Sabé essayait toujours en vain de distinguer avec qui Kanha parlait de camping. Le concerné répondit sèchement à cette question futile, trahissant son sexe en parlant. Un garçon. Ce n’était pas forcément bon signe, les garçons étaient souvent un peu idiots et agressifs. Surtout s’il était du genre à se promener ici…

« Quoique, maintenant que tu le proposes, je pourrais toujours t’ouvrir en deux, t’extirper les boyaux et me servir de ta peau pour faire une tente. »

La jeune Serpentard écarquilla les yeux comme des soucoupes. Même si c’était une blague –c’était forcément une blague non ? Le garçon ne pouvait pas réellement y penser, avec un ton si sec et dans de telles circonstances, la phrase fit se hérisser les poils de la Rosebury. Quelle horreur. Ce n’était ni drôle ni fin, c’était juste brutal et gore. Qui pouvait être aussi cruel ? Peu rassurée, Sabé pensa quand même à sa sœur qui aurait sûrement été assez idiote pour trouver ce genre de remarque drôle. Heureusement qu’elle n’avait pas été là, déjà elle les aurait trahies de suite, et elle aurait gardé cette image en tête assez longtemps pour faire peur à sa jumelle avec. Enfin bref, il fallait toujours qu’Elfie intervienne dans ses pensées. C’était agaçant parfois. Il parait que c’était normal quand on avait une jumelle, mais Sabé n’aimait pas se sentir interrompue de cette manière. Ça l’avait tant dérangée qu’elle n’avait pas eu le temps de réagir au départ du garçon, qui apparut en sortie du bosquet, tombant donc sur l’espionne accroupie. Abasourdie, elle le regardait avec un mélange de stupeur et de mépris (enfin, de la peur transformée en mépris, mais c’est secret), les sourcils froncés. Il pointa sa baguette sur elle, geste qu’elle trouva outrageant alors qu’elle était aussi jeune que lui et de la même maison. Les élèves manquaient vraiment de loyauté parfois !

« Toi ! Qui t’es et qu’est-ce que tu fous là ? » cria-t-il, avant d’accuser Kanha : « Elle est avec toi, O’Flaherty ? »

Pendant ce laps de temps, Sabé dévisagea l’inconnu. Elle se souvenait vaguement l’avoir croisé, mais elle ne le connaissait pas. Il était en deuxième année, si elle ne se trompait pas. Et se savoir menacée par quelqu’un d’un an de moins la gonfla d’un certain orgueil. Pour qui se prenait-il, ce fou furieux ?

« Non. Elle s'appelle Sabé Rosebury, au passage, je t'informe. »

Merci Kanha. Heureusement qu’elle était là. Sabé se releva après cette présentation, se fiant à l’attitude légère de son aîné pour juger qu’elle ne risquait pas grand-chose. Et de toute façon, elle l’avait décidé. Pas rassurée d’accord, mais orgueilleuse et déterminée, elle ne se laisserait pas impressionner –enfin elle fera tout pour que ça ne se voit pas trop-.

« Ca va ? Toi aussi tu campes ici ? Voici Regibald Camlann. Excessivement charmant. Il y a foule cet après-midi dans cette forêt ! » ajouta Kanha.

Son ton habituel fit sourire un peu la jeune fille, qui apprécia de trouver quelqu’un de connu dans cette situation. Après un regard bref au dénommé Régibald, elle répondit à la grande illuminée, pas encore assez à l’aise pour avoir la même désinvolture.

« Ça va. » elle hocha la tête avec une moue polie. « Je cherchais un champignon en fait. »

Elle ramassa d’ailleurs son sac, comme pour prouver ses dires. Oui parce que l’autre serait capable de croire qu’elle l’espionnait pour de vrai. Sa besace dans ses bras, contre elle, elle lança un regard interrogateur à son cadet.

« Tu peux baisser ta baguette, je ne suis pas une créature maléfique. »

Son assurance et son air doucement hautain étaient réapparus. Le stress au ventre était passé. Elle trouvait Régibald plutôt ridicule, même s’il faisait toujours un peu peur, parce qu’il l’avait attaquée comme si elle était dangereuse. Paranoïaque, va. On ne lui avait pas appris à être poli ? Serpentard recrutait parfois de ces énergumènes… Elle préférait cent fois l’étrange Kanha.

(Je dois vous faire un aveu... Ma réponse est prête depuis vraiment longtemps. Seulement, je la trouve ridiculement courte et j'essaie depuis des semaines de la rallonger... mais voilà quoi. Ça donne que ça. Désolé. Et désolé pour le temps d'attente.)

O’Flaherty était folle. Les filles l’étaient toutes, mais elle, c’était vraiment un cas. Trop extrême pour Ste-Mangouste, assurément. C’était pour ça qu’ils l’avaient laissé en liberté, cette siphonnée. Y’avait pas d’autres explications. Comment ses parents la supportait ? Déjà qu’avec sa face de souris albinos elle était pas bien gâtée par la nature, en plus on lui avait fourni que la moitié d’un cerveau. Ses géniteurs devaient être vraiment cruels pour avoir choisi de ne pas la noyer à la naissance. C’était pourtant ce qu’on faisait aux rats infirmes. Non mais c’était pas sérieux quoi...

Régibald ne fit pas le plus petit effort pour masquer la moindre parcelle de dégoût que lui inspirait la quatrième année, lui jetant un regard profondément dédaigneux après la réponse d’allumée qu’elle leurs servit, à lui, et à l’autre là... Rosebury.

L’autre, d’ailleurs, cherchait des champignons ! Junkie ? D’accord, il était mille fois plus probable qu’elle soit à la recherche d’un ingrédient pour une potion... ou, à la limite, passionnée de mycologie. Régibald n’était pas con, quand même. Toutefois, pour expliquer qu’elle se trimbale à quatre pattes dans l’humus, elle aurait quand même pu avoir la décence de ne pas avoir toute sa tête. Peut-être que c’était ça en fait, qu’elle était parente avec O’Flaherty... Si le jeune Camlann avait cru au karma, il se serait inévitablement demandé ce qu’il avait fait pour mériter deux calamités du genre.

« J’préfère encore les créatures maléfiques aux fouines dans ton genre. »

Telle fut sa réponse à la tentative d’approche à peu près aimable de Rosebury. Contradicteur, il ne rangea d’ailleurs pas sa baguette. Il l’abaissa cependant un peu, histoire qu’on ne croit pas qu’il avait peur d’une fille.