Quatrième année - Cours 2 [Les Malédictions]

Confortablement installé sur un fauteuil de sa Salle Commune, le garçon jeta un dernier coup d’œil sur son livre de Botanique. Depuis une mésaventure avec des élèves de Serpentard qui avait eu pour issue une visite dans les serres, il ne négligeait plus cette matière, et prenait même beaucoup de plaisir à l’étudier. Comme quoi avoir eu des contacts avec des gens totalement différents de soi, c’est toujours très instructif. Il rangea soigneusement son livre dans son sac à bandoulière et se leva avec un brun d’amertume. Il avait cours de Défences Contre les Forces du Mal. Bien sûr, ce n’était pas la matière en elle-même qui le dérangeait mais plutôt les personnes qui suivaient ce cours, et en particulier une. Il ignorait le nom de la demoiselle mais, il se souvenait très nettement d’elle : hautaine et savoureusement agaçante. Serpentard typique.

Il ressassa ce souvenir désagréable tout le long du chemin qui menait au quatrième étage et, en vint à une supposition qui ne lui était pas très réaliste : peut-être avait-elle grandi pendant les vacances ? Il entra dans la salle, salua par principe la Professeure qui était penchée sur son bureau et s’installa au milieu de la salle, comme d’habitude. La dernière fois qu’ils avaient eu Défense Contre les Forces du Mal, ç’avait été de la théorie. Pouvait-il espérer cette fois à de la pratique ? Automatiquement, il sortit ses affaires.

Odette fut déconcentrée dans sa relecture de notes par une question de la part d’un des élèves déjà arrivés. Elle ne répondait d’ordinaire pas aux salutations, mais puisque dans ce cas-ci il s’avérait qu’il y avait une interrogation à la suite... Bref, elle redressa donc la tête pour voir qui lui parlait. Il s’agissait d’un garçon de Serdaigle assit environ au milieu de la classe et dont le visage ne disait rien à l’enseignante de DCFM. Jetant un coup d’oeil de vérification à l’horloge, elle ne répondit qu’ensuite :

"Je ne sais pas, mais ils leur reste encore une minute pour passer le seuil de la porte..." , fit la sorcière d’un ton désintéressé avant de se replonger dans ses notes pour les trente secondes qu’il restait avant l’heure.

Dix heure sonna finalement et ce ne fut qu’à cet instant qu’Odette délaissa ses parchemins pour venir fermer et verrouiller la porte d’entrée dans la classe. Elle fit ensuite face aux étudiants présents et débuta son cours sans plus de cérémonie :

"Les Malédictions sont généralement quelque chose dont on ne parle pas ou que l’on mentionne à la légère, probablement parce qu’elles sont plutôt rares et que leurs effets ne sont habituellement pas frappant. En comparaison, un Maléfice a un effet immédiat et visible... La Malédiction est plus vicieuse. On ne sait pas toujours qui a lancé une Malédiction ni quel est l’effet de cette Malédiction... Le cours d’aujourd’hui ne pourra donc pas être exhaustif. Nous essayerons simplement de comprendre ce qu’est une Malédiction afin que, si un jour vous aviez à y faire face, vous ne vous retrouviez pas démunis."

Marquant une brève pause dans ce qui était l’introduction du cours, elle enchaîna sans trop attendre :

"Quelqu’un connaît-il un exemple de Malédiction ?"

Odette posait rarement des questions ainsi, à l’ensemble du groupe. Ordinairement, elle professait plutôt sans chercher à faire participer les étudiants, ne faisant que quelques arrêts afin de laisser ceux qui le voulaient s’exprimer. Cependant, en ce qui concernait cette matière, c’était la meilleure façon d’aborder le sujet qu’elle avait trouvé...

Le garçon entendit vaguement une question et plus nettement, la réponse quasi instantanée d’un membre de la maison dont était la Directrice, la sombre Miss Ribaldry. Il jeta un coup d’œil au garçon qui avait répondu, ne parvint pas à mettre un nom sur ce visage pourtant familier et, ignorant ce qu’étaient les ‘Horcruxes’, le jeune Tyler demanda la parole afin d’approfondir la réponse du Serdaigle. En cours de Soins aux Créatures Magiques, le professeur avait mentionné très brièvement un exemple de malédiction : il était temps de faire le lien entre son option et sa matière obligatoire. Avant que le professeur ne pose une question à l’élève dont elle était la Directrice de maison et avant qu’elle ne lui donne l’autorisation de participer, le jeune homme intervint :

- J’ignore ce que sont les Horcruxes mais il y a un exemple de malédiction beaucoup plus connu : celle du sang de licorne. Celui qui tuerait et buerait le sang de cette créature dont les vertus lui permettraient de survivre, il n’aurait alors plus qu’une demi-vie. Demi-vie car la vie de l’homme ou de la femme serait maudite. La malédiction de l’âme serait donc après avoir tué quelqu’un ou quelque chose : quand on ôte la vie d’une personne l’âme perd alors toute sa pureté.

Ryan s’arrêta après cette longue explication du ‘pourquoi’. Cependant, à mesure qu’il réfléchissait, il lui venait d’autres explications, d’autres chemins de compréhension qu’il jugeait intéressant d’approfondir. Alors, après une bref pause, le garçon reprit son raisonnement là où il l’avait laissé, tout en observant le professeur, à l’aguets d’une quelconque réaction.

- Cependant, dans le monde des moldus, il y a une autre signification de malédiction et celle-ci accompagne l’idée de destin. Celle-ci serait infligée par un Dieu en colère contre une personne et cette malédiction suivrait toute la famille jusqu’à ce qu’elle s’éteigne. Je ne crois pas cependant que la malédiction ne se résume pas à un acte divin mais cet exemple avec les moldus étaient pour faire un parallèle avec l’action qui engendrait une malédiction.

Le jeune Tyler se stoppa encore une fois, reprit son souffle et continua sa réflexion.

- La comparaison avec les moldus était donc pour montrer que c’était donc à la suite d’un geste odieux à l’encontre d’une personne ou chose, qu’on obtient une malédiction. Cependant l’étymologie du mot nous apprend aussi autre chose : mal « mauvais » et diction, « dire ». Il semblerait donc que la malédiction ne passe pas seulement par les actions, mais aussi par le langage. Cependant, je crois que certaines personnes ne peuvent pas en proférer de véritables : si par exemple je souhaite une malchance surnaturelle à un camarade qui m’a humilié, il y a très peu de chances que cela se réalise. Pourquoi ? Parce que je ne suis pas foncièrement méchant. Je crois que c’est ce qui diffère sur la conséquence : si on le veut vraiment, si on ne risque pas de regretter, une malédiction se réalise. Il faut aussi y croire je pense, pour que ça fonctionne correctement.

Cette fois, ses explications sur sa pensée étaient terminées. Conscient qu’il en avait peut-être dit trop, il rabaissa son regard sur son parchemin vierge. Peut-être avait-il carrément fausse route ou s'était éloigné un peu trop de la question mais, il avait comme mérite, d’avoir argumenté ou du moins expliqué ses idées. C’était le plus important.

[Vous excuserez, je l’espère, ce léger délais. J’ai été plutôt occupée ce mois-ci...]

Odette pouvait se venter d’avoir un sens de l’observation et de déduction assez exceptionnel. Il faut dire qu’elle avait été entraînée à toujours prévoir tous les dénouements possibles d’une situation. Cependant, la première réponse qu’on lui donna, jamais elle n’aurait pu la pressentir. Les Horcruxes ? Comment un gamin de quatorze ans pouvait-il connaître l’existence de tels objets de Magie Noire ?

Délaissant la mine lunatique qu’on lui connaissait, la Directrice de Serdaigle fronça les sourcils en fixant l’élève qui avait répondu. Il venait de sa Maison... Quel était son nom déjà ? Il devait venir d’une famille aux forts penchants obscures... À moins qu’il n’ait découvert ce genre d’Art Sombre tout seul ? Mais où aurait-il pu trouver un livre en traîtant ? Si les Malédictions étaient un sujet tabou, les Horcruxes étaient le tabou des tabous ! Et pourtant, un enfant en avait entendu parler...

"En effet..." , répondit prudemment l’enseignante.

Elle n’ajouta rien de plus. Ce n’était pas une mauvaise réponse, somme toute. Surprenante, évidemment, mais pas fausse... Avec un dernier coup d’oeil à l’intrigant Serdaigle, Odette s’apprêta à donner le droit de réponse à un autre élève, une Gryffondor. Elle fut cependant prise de vitesse par un Poufsouffle qui ne s’embarrassa pas d’attendre son tour.

"Dix points pour Poufsouffle." , acquiesça l’ex-Duelliste, un très discret sourire satisfait glissant furtivement au coin de ses lèvres. Ce n’était pas tant la réponse que l’argumentation qu’elle désirait récompenser... et le jeune Poufsouffle avait un raisonnement tout à fait méritoire.

"Il y a effectivement deux types de Malédictions. Tout d’abord, celles qu’on s’inflige soi-même en allant à l’encontre d’une ‘loi’. Le fait de s’enfoncer dans la Magie Noire en est un exemple dont deux élèves viennent de parler. On peut également nommer, comme autre exemple, les Malédictions qui protègent un objet ou un lieu... Ce type de Malédiction ne vise personne en particulier et le sorcier qui s’en retrouve la victime ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Je m’attendais à ce que quelqu’un en fasse mention, puisque ce genre de Malédiction n’est pas étranger à Poudlard... Même si ce n’est pas de votre génération, vous avez dû en avoir vent : La Malédiction du poste d’enseignant en DCFM. C’était une Malédiction bien réelle qui n’avait pas été lancée dans le but de se débarrasser d’un professeur, mais bien de garder l’emploi instable. Celui qui l’avait lancée avait, en quelque sorte, édicté une loi – « Nul ne pourra rester enseignant dans cette matière plus d’un an. » – face à laquelle il y avait une conséquence pour les récalcitrants. De la même façon qu’une loi non-écrite dit que celui qui boira le sang d’une licorne sera à jamais un sous-homme..."

Marquant une pause dans son monologue prononcé avec détachement, Odette n’attendit pas que les plumes cessent de gratter les parchemins (En avait-elle seulement prit conscience ?) et enchaîna :

"Le second type de Malédiction englobe ce que nous pourrions nommer des Malédictions ‘vengeresses’. Ces Malédictions sont lancées par un sorcier à un sorcier et/ou à ses proches. Elles visent un individu, peu importe ce que ledit individu a fait, fait et fera et bien ou de mal. De plus, elles ont généralement un effet spécifique, parfois situable dans le temps."

L’ex-Duelliste, lorsqu’elle donnait un cours, avait toujours l’air de se parler toute seule, mais à voix haute. Comme si les réactions autour d’elle l’indifféraient (et c’était assurément le cas). Elle se serait adressé à des bancs vides que son attitude aurait été similaire... Pourtant, cette fois-ci, Odette se tourna vers le Poufsouffle à qui elle avait accordé des points un peu plus tôt et s’adressa directement à lui. C’était une chose qu’elle ne faisait pas d’ordinaire. Toutefois, à son avis, le quatrième année avait un sens de la logique qui méritait d’être testé... Il avait, dirons nous, attiré son attention.

"Vous parlez de volonté et de regret... Si je vous lance une Malédiction aujourd’hui et que je le regrette dans dix ans... Croyez-vous que la Malédiction que j’aurai lancée s’estompera avec ma volonté ?"